Arnold Schwarzenegger : “Cameron m’a permis de symboliser le cinéma d’action des années 80”

ARTNEWSPRESS: Arnold Schwarzenegger retrouve son rôle de Terminator dans le film événement « Dark Fate », qui sort le 23 octobre. Premiers extraits de notre interview.

Paris Match. A une époque, les années 1980, où les films fantastiques étaient légion, comment expliquez-vous le succès de la saga “Terminator”, qui a d’ailleurs, depuis, traversé les décennies ?
Arnold Schwarzenegger. Je crois, comme souvent au cinéma, que ce n’est pas un ingrédient unique qui fait la longévité d’un film mais justement le mélange de plusieurs concepts. “Terminator” parlait de voyage dans le temps, une constante dans le cinéma fantastique. Il y avait aussi des effets spéciaux encore inédits en ce temps-là. Mais l’originalité vient des personnages. On ne voyait pas si souvent un méchant devenir un héros, comme c’est le cas de mon personnage. Dans les deux premiers films, James Cameron avait eu un vrai souci d’écriture pour se démarquer de ce qui se faisait dans ces années-là. Il a insufflé à cette histoire une dose d’humanité et d’émotion. Avec en plus des idées un peu nouvelles. James voulait que j’aie ce phrasé robotique qu’il aimait beaucoup. Alors que, pour moi, c’était plutôt un moyen d’utiliser d’une autre manière mon accent autrichien prononcé. Il a aussi écrit quelques répliques qui ont marqué, comme le fameux “I’ll be back”, qui deviendra culte. Bref, c’était du divertissement, on ne se prenait pas au sérieux, mais on l’a fait avec sérieux…

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C’est la sixième fois que vous retrouvez ce personnage au cinéma. Le Terminator est votre mantra en quelque sorte.
Vous savez, le premier “Terminator” était un vrai changement pour moi. Je sortais de deux films sur Conan le Barbare et je me suis dit : “Tiens, enfin un rôle qui change de M. Muscle…” Certes, je ne jouais toujours pas un mec ordinaire mais, au moins, j’avais autre chose à montrer que mes biceps. Ça a été un tournant pour moi. J’étais enfin considéré comme un acteur potable. Et le triomphe des deux premiers “Terminator” a fait que Hollywood est venu me proposer tous les plus gros projets de blockbuster. James Cameron m’a offert la possibilité de symboliser le cinéma d’action des années 1980, sa violence et sa folie. Bien avant le tournage, il savait qu’il avait créé un vilain comme on en a peu connu dans le cinéma américain.

De “Terminator” à “True Lies” jusqu’à “Terminator. Dark Fate”, qu’il coproduit, Cameron vous a accompagné en tant qu’acteur tout au long de votre carrière… C’est sûrement la personne qui me connaît le mieux. On est toujours restés en contact, même lorsque j’étais gouverneur de Californie. J’allais le voir sur le plateau d’“Avatar”. James m’a souvent sorti de ma zone de confort, jusqu’à me pousser dans le registre de la comédie. Avec Ivan Reitman (“Jumeaux”) ou Paul Verhoeven (“Total Recall”), je me rends compte que j’ai eu de la chance de croiser la route de grands metteurs en scène…

En dehors de Cameron, vous retrouvez aussi dans ce sixième opus votre partenaire des deux premiers, Linda Hamilton…
On ne l’aurait sûrement pas fait si elle n’avait pas accepté. Linda est une actrice racée et une femme qui a toujours défendu ses convictions. Elle non plus n’est pas dans le moule hollywoodien. Sarah Connor est l’autre figure emblématique de la saga, hors des codes.

Je suis sûr qu’une petite partie des électeurs pensait voter pour Terminator

Vous le disiez vous-même, bons ou mauvais, ce sont des personnages que le public a tout de suite considérés comme des héros.
Parce que les rôles étaient bien écrits. James savait que les spectateurs feraient la part des choses entre la nature destructrice et le côté attachant de Terminator. C’était un héros sans le vouloir. Et c’est très clairement un personnage essentiel dans ma vie. Je ne sais pas combien de fois les gens m’ont fait un clin d’œil pour que je leur ressorte les fameux “I’ll be back” ou “Hasta la vista, baby”.

Ce personnage vous a aidé dans votre campagne pour devenir gouverneur de Californie en 2003 ?
Je pense, oui. Je suis sûr qu’une petite partie des électeurs pensait voter pour Terminator. Et comme vous le savez, en politique, chaque vote compte ! [Il rit.] Après, j’ai parfois dû gérer le revers de la médaille. Certains Californiens venaient vers moi en me disant : “Mais vous ne pouvez pas éradiquer ce problème, vous, le Terminator ?” Hélas, non ! Même lui ne pouvait rien face à certaines lois fédérales. Je me souviens d’avoir vécu cela quand on a refusé à la Californie le droit d’irriguer ses terres avec l’eau d’autres Etats. Certains me voyaient sûrement aller détruire les barrages et les réserves d’eau pour résoudre le problème ! Encore un exemple de la frontière parfois très mince aux Etats-Unis entre le cinéma et la politique… Malheureusement, la réalité, ce n’est pas du cinéma. Il n’y a rien de magique dans l’exercice de la politique. Quand vous devez gérer les problèmes sociaux, le chômage, le racisme ou les enjeux environnementaux, comme j’ai eu à le faire lors de mon mandat, avec les premiers feux de forêt qui ravageaient la Californie, vous ne pouvez pas sortir votre arme ou tout régler d’une pirouette.

Un acteur joue le registre de l’émotion. L’homme politique se confronte à la réalité

Mais, au-delà du divertissement, vous ne pensez pas que la saga “Terminator” était aussi centrée sur des thématiques presque politiques, comme l’exclusion, la violence, ou même la place des femmes dans la société ? Dans les années 1980 et 1990, ce n’était pas des sujets qu’on traitait beaucoup dans les films d’action…
Je crois que chacun a pu interpréter ces films comme il le sentait. Mais franchement, ce n’était pas ma motivation première, comme ce n’était pas celle de James Cameron, je crois. Je le redis, nous voulions juste faire des films d’action pas trop idiots. En revanche, il est clair que “Terminator” prédisait bien des choses. Beaucoup de phénomènes qui étaient de la science-fiction à l’époque sont devenus réalité. Cameron avait fait de nombreuses recherches, notamment sur les questions du numérique, et il ne s’était pas trompé.

Au cinéma comme en politique, il faut être visionnaire ?
Oui, sans aucun doute. Il faut comprendre et surtout faire comprendre. Le cinéma m’a appris à faire passer un message à un large public. Après, les deux exercices sont différents. Un acteur joue le registre de l’émotion. L’homme politique se confronte à la réalité. Mais il doit expliquer le monde. Et c’est sûrement ce qu’il y a de plus difficile. Prenez les questions d’environnement. Je pense que, jusqu’à maintenant, on a raté notre devoir d’expliquer au monde les dangers du réchauffement climatique. Aujourd’hui, aux EtatsUnis, on blâme les autres ou on fait la sourde oreille. Si les Américains savent que la pollution est train de tuer la planète, personne n’explique pourquoi il faut changer immédiatement nos habitudes et notre mode de vie. On constate, mais on n’agit pas. Il y a un énorme travail d’éducation et de communication à faire si on veut s’en sortir. C’est vrai pour l’écologie, ça l’est aussi pour les questions sociales, de santé ou d’éducation. Si vous n’arrivez pas à faire passer un message, vous ne serez jamais un bon politique.

« Terminator. Dark Fate », de Tim Miller, en salle le 23 octobre.

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Fabrice Leclerc

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