«Freedom» primé au festival du film politique de Porto-Vecchio

ARTNEWSPRESS: Le film de Rodd Rathjen, qui raconte le destin d’un ado cambodgien échouant dans les filets d’esclavagistes, a conquis le jury de la troisième édition du festival.

Avec cette troisième édition (du 25 au 27 octobre), le Festival du film politique de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) s’installe. Mais il bouscule, aussi, à voir la sélection de fictions et de documentaires présentés durant ces trois jours sous la houlette de l’iconoclaste Karl Zéro (cofondateur du festival), biographe à sa manière de Jacques Chirac.

« Des films époustouflants, qui nous ont choqués, interpellés, émus, remués », résume l’actrice Marthe Keller, présidente d’un jury mêlant, comme de coutume pour ce festival, professionnels du cinéma et politiques. Parmi ces derniers, bousculé lui aussi ces derniers mois, l’ex-ministre de l’Ecologie François de Rugy et la chroniqueuse insoumise Raquel Garrido côtoyaient, notamment, l’urgentiste Patrick Pelloux ou l’écrivain Bernard Werber.

Au palmarès, le grand vainqueur – un buste de Napoléon en tricorne comme trophée – est « Freedom » (en salle fin novembre), du jeune réalisateur australien Rodd Rathjen. Le film, pour l’essentiel tourné en mer sur un rafiot crasseux, véritable prison à ciel ouvert, raconte l’histoire, qui pourrait être véridique, d’un adolescent cambodgien de 14 ans, fuyant comme tant d’autres la misère pour s’engager comme travailleur clandestin en Thaïlande, où il tombe dans les filets d’esclavagistes. Lesquels l’embarquent de force sur un chalutier raclant des eaux surexploitées pour en tirer, sans jamais faire relâche ou presque grâce aux ravitaillements et vente de migrants-esclaves en pleine mer organisé par ces réseaux quasi-mafieux, des tonnes de menus poissons et crustacés qui finiront en nourriture pour chiens et chats d’Europe ou d’Amérique. La boucle est bouclée.

L’esclavage moderne concerne 40 millions de personnes encore aujourd’hui

« Ce film est politique car il illustre l’axiome selon lequel le battement d’ailes d’un papillon au Brésil déclenche un raz de marée à l’autre bout de la planète », apprécie un jury encore sous le choc. De fait, quelque 250 000 personnes, ados et adultes, Cambodgiens, Birmans, etc. sont ainsi prisonnières de ces réseaux. Quant à l’esclavage moderne, il concerne quelque… 40 millions d’humains aujourd’hui partout dans le monde.

Très remarqués, aussi, le « Nuestras Madres » de César Diaz, sur le passé militaire et la difficile réconciliation au Guatemala. Ou « Les Misérables » de Ladj Ly (déjà primé à Cannes en mai dernier), qui raconte, caméra au poing, le quotidien ultra-violent d’une banlieue où les frères musulmans jouent les juges de paix. « En pleine polémique sur le voile, ça va faire débat à sa sortie en salles », glisse l’un des nombreux politiques présents au festival, tels l’ex-conseiller élyséen de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, le député mélenchoniste Alexis Corbière, le LR Eric Diard, auteur d’un récent rapport sur la radicalisation…

« Island Road », meilleur documentaire

Côté documentaires, le jury des médias, présidé par le politologue Pascal Perrineau, a primé « Island Road », du réalisateur corse Francescu Artily. Une belle et mélancolique chronique d’un bout de terre en Louisiane, maigrement peuplé de gens âgés, qui disparaît lentement sous les eaux, symbole poignant de cette Amérique oubliée.

Là aussi, la concurrence était rude, avec notamment un film sur « Le départ de Monsieur Hulot », d’Agnès Pizzini et Karim Rissouli, démontrant à quel point cette fracassante démission à la fin août 2018 était écrite d’avance, entre le poids démesuré des lobbys et le soutien plus que mesuré, lui, du gouvernement d’Édouard Philippe au trublion écolo. Particulièrement éclairante, cette séquence quasi inédite montrant un Emmanuel Macron, alors en campagne présidentielle, en totale connivence amicale avec le lobby des chasseurs.

Précieux aussi, le film sur – et avec – « Steve Bannon, le grand manipulateur », d’Alison Klayman, montrant à quel point le gourou trumpiste des nationalistes européens (de l’Italien Matteo Salvini à Marine Le Pen en passant par le Hongrois Viktor Orban) peine à vendre à ses clients, volant en jet privé de palace parisien ou vénitien en dîners « secrets » avec des leaders d’extrême droite, son grand projet bancal d’« Internationale des nationalismes ».

https://leparisien.fr

Henri Vernet, à Porto-Vecchio, Corse-du-Sud

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