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Jean-Marc Vallée : la quête d’équilibre

ARTNEWSPRESS: (ROUYN-NORANDA) Profitant d’une pause de quelques mois, qui prendra fin bientôt, Jean-Marc Vallée séjourne cette fin de semaine à Rouyn-Noranda, à la faveur d’une invitation du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Une belle occasion de faire le point avec le cinéaste, tout juste avant qu’il ne se lance dans son prochain projet : un film de cinéma sur l’histoire de John Lennon et Yoko Ono.

Jean-Marc Vallée a l’allure d’un gars bien reposé. Depuis une dizaine de mois, il s’efforce de ne rien faire. Et il y parvient, même si des choses ici et là l’obligent à penser au boulot.

« Ce n’est pas facile de décrocher, mais je l’ai fait, confiait-il hier au cours d’un entretien accordé à La Presse. Pendant tout ce temps, je suis resté chez moi, je me suis occupé de ma maison, j’ai vu mes amis, ma famille, bref, j’ai vraiment pu “recharger mes batteries”. Ce temps de réflexion m’a aussi permis d’affirmer cette volonté : je ne veux pas revenir avec la pédale dans le tapis. À 56 ans, je vise un meilleur équilibre, mais dans le métier que j’exerce, c’est loin d’être acquis parce qu’il est facile d’en mettre toujours plus. Plus jamais je n’enchaînerai deux grosses séries comme Big Little Lies et Sharp Objects. Plus jamais. »

Ces deux séries, diffusées par la chaîne HBO, ont consolidé la réputation – déjà très grande – acquise par le cinéaste québécois à Hollywood grâce à ses films Dallas Buyers Club et Wild. Comme Denis Villeneuve, Jean-Marc Vallée fait aujourd’hui partie de la courte liste des cinéastes auxquels on rêve pour mener à bon port les projets les plus prestigieux.

Une controverse inattendue

L’été dernier, le réalisateur de C.R.A.Z.Y. a cependant été au cœur d’une controverse inattendue. Un article publié par le site spécialisé Indiewire affirmait qu’Andrea Arnold, choisie pour réaliser la deuxième saison de Big Little Lies, avait « perdu le contrôle créatif » de la série et avait ni plus ni moins été « tassée » au profit du cinéaste québécois, appelé à retourner des scènes et à refaire le montage. La nouvelle a vite fait le tour des médias américains, si bien que le grand patron de HBO, Casey Bloys, a dû rectifier les faits, tout comme Reese Witherspoon et Nicole Kidman, vedettes et aussi coproductrices de la série.

Honnêtement, ç’a été très plate à vivre et je ne comprends toujours pas d’où est venue cette histoire. J’aurais voulu prendre la parole tout de suite, mais tous les experts en communication de HBO disaient que l’histoire allait s’éteindre d’elle-même. Ç’a été le contraire. J’avais envie de crier à l’injustice.

Jean-Marc Vallée, cinéaste

« Quand, deux semaines plus tard, Casey Bloys en a parlé – Reese et Nicole l’ont fait aussi –, je me suis dit : enfin ! C’était tellement gros, tellement pas moi. C’était aussi frustrant parce que je sais que les choses ne se sont pas déroulées de la façon dont elles ont été décrites dans cet article. Je n’ai pas volé le show. Je n’ai pas “callé les shots”. Je suis venu aider parce qu’on me l’avait demandé, avec les meilleures intentions du monde. J’ai essayé de joindre Andrea depuis la sortie de cette histoire pour essayer de comprendre, d’autres l’ont fait aussi, mais elle n’a répondu à personne. Maintenant, je suis passé à autre chose et je ne veux pas accorder trop d’importance à cet épisode. »

Retour au cinéma

Cet « autre chose » est un projet de film. Dès le mois prochain, Jean-Marc Vallée, dont l’amour de la musique est bien connu, s’attellera avec Anthony McCarten (The Theory of Everything, Bohemian Rhapsody) à l’écriture d’un scénario dont le récit sera construit autour de la relation entre John Lennon et Yoko Ono. Le tournage de ce long métrage devrait avoir lieu à l’automne 2020 et le cinéaste compte embaucher deux acteurs inconnus.

Il s’agit d’un projet qu’on m’a proposé. J’y ai réfléchi pendant un moment, mais oui, j’aime assez John Lennon et sa musique pour passer deux ans de ma vie sur ce film.

Jean-Marc Vallée, cinéaste

« J’aime aussi leur histoire d’amour et leur implication sociale. Et puis, Yoko a fait de John un militant de la paix. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui, je pense que ce film sera pertinent. »

Jean-Marc Vallée dit d’ailleurs avoir été ému quand il a rencontré l’artiste américano-japonaise dans ses appartements du Dakota Building à New York.

« On m’a ouvert la porte de son salon blanc et elle était là, toute petite, raconte-t-il. Le tapis blanc, le piano, les œuvres d’art, les photos. Je n’osais pas parler et elle s’est bien rendu compte que j’observais beaucoup. Yoko s’est mise à marcher avec moi pour décrire ce que je regardais. C’était très touchant. Elle m’a dit avoir beaucoup aimé mes films, particulièrement Café de Flore, sans doute pour son côté un petit peu ésotérique. J’ai été très honnête en lui disant tout de suite que je la connaissais beaucoup moins que John, mais que je ferais bien entendu mes devoirs. J’ai le soutien de toute son équipe, j’ai accès à toutes ses archives. J’ai hâte d’écrire avec Anthony. J’ai déjà ma petite idée. »

Un film québécois dans la mire ?

Lauréat de l’Emmy Award de la meilleure réalisation grâce à Big Little Lies, le cinéaste québécois retournera ensuite chez HBO afin de porter à l’écran, en mini-série, Gorilla and the Bird, le roman de l’auteur américain Zack McDermott. Il veut aussi trouver du temps pour enfin réaliser au Québec un film dont il a écrit le scénario il y a plusieurs années. Les temps magiques poursuivra en un long métrage l’œuvre amorcée il y a plus de 20 ans avec les deux courts métrages Les fleurs magiques et Les mots magiques.

À ce propos, Jean-Marc Vallée rappelle que sa dernière présence au festival du cinéma en Abitibi-Témiscamingue remonte à 1998, année où il était venu présenter Les mots magiques. Et que dirait le Jean-Marc Vallée d’aujourd’hui à celui de cette époque ?

« Je crois qu’il lui dirait de se concentrer davantage sur ce qu’il a envie de raconter et de mieux s’écouter. Plutôt que d’accepter des offres au début de ma carrière, j’aurais peut-être dû commencer tout de suite avec C.R.A.Z.Y. Parce que c’est à partir de là que j’ai commencé à trouver ma voie. Même si on utilise des chemins détournés, il ne faut pas craindre de parler de ce qui nous préoccupe vraiment, ni de parler de soi, en fait. »

Les frais de transport ont été payés par le Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue.

https://lapresse.ca

MARC-ANDRÉ LUSSIER

 

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