«La belle époque»: retour en arrière ***

ARTNEWSPRESS: CRITIQUE / Dans le récent «Les plus belles années d’une vie», Claude Lelouch postulait que le meilleur est à venir et que, parfois, la tendresse résiste au passage du temps. Ce n’est pas tout à fait le cas de Victor, qui se retrouve à la rue après 40 ans de vie commune, à son grand désespoir. Jusqu’à ce qu’on lui fasse une proposition attrayante : revivre le moment où il est tombé en amour avec sa femme…

Le deuxième long métrage de Nicolas Bedos, le réjouissant La belle époque, s’inscrit tout à fait dans le prolongement de Monsieur et Madame Adelman (2017). Ce dernier s’ouvre avec les funérailles de Monsieur. L’enterrement devient un prétexte à un retour en arrière où le spectateur assiste au premier rendez-vous amoureux du couple, point de départ d’une chronique sur les cinquante années de ce tumultueux mariage.

Cette fois, le film reste, en quelque sorte, figé dans le temps. C’est que le désabusé Victor (Daniel Auteuil), qui ronchonne à propos des avancées technologiques actuelles, a obtenu un bien étrange cadeau : une soirée à l’époque de son choix.

Le maitre d’œuvre en est Antoine (Guillaume Canet), un ami de son fils. Dans un studio dernier cri, l’entrepreneur-metteur en scène fait vivre à ses clients cette aventure particulière en mélangeant effets spéciaux, acteurs, costumes et reconstitution historique.

Plutôt que de manger avec Churchill ou De Gaule, notre sexagénaire à plat décide de revivre sa rencontre avec Marianne (Fanny Ardant), en mai 1974, dans le café La Belle Époque. Celle-ci est interprétée par Margot (Doria Tillier) — qui vit une relation compliquée avec Antoine, un égocentrique.

Victor ressemble à un enfant qui déballe un bonbon. Le dessinateur va bientôt se prendre au jeu, au point de perdre ses repères.

La comédie sentimentale de Bedos était présentée hors compétition au dernier Festival de Cannes, un endroit où on aime bien les longs métrages qui évoquent le cinéma. Or, ce film se retrouve à la croisée de La nuit américaine de Truffaut (1973) et Ma femme est une actrice d’Yvan Attal (2001).

Comprendre qu’il est question de la grande illusion qu’est le 7e art et que le réalisateur français joue habilement sur le va-et-vient entre la réalité et la fiction (ainsi que la temporalité). Sa caméra mobile et des dialogues vifs contribuent au plaisir du spectateur.

Bedos a parfois le cynisme lourd avec son alter ego, souligne trop certains passages et pousse un peu loin l’idée (somme toute peu originale). Il aurait eu avantage à laisser la bride à ses acteurs, tous très bons au demeurant, en particulier Doria Tillier.

Mais sans trop forcer, La belle époque propose aussi une réflexion sur les films qu’on se monte dans notre tête, sur la nostalgie et à quel point nous ne lassons pas, avec le temps, d’embellir nos souvenirs.

Bref, une façon comme une autre de montrer qu’on se fait tous notre cinéma.

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ÉRIC MOREAULT

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