Lillian : l’incroyable échappée solitaire d’une femme de New York à l’Alaska [INTERVIEW]

ARTNEWSPRESS: Découvrez, ce mercredi, le captivant long métrage “Lillian” réalisé par Andreas Horvath racontant la marche d’une femme seule de New York à l’Alaska. Un film qui mêle fiction et documentaire. Notre interview avec son réalisateur.

L’histoire : Lillian, échouée à New-York, décide de rentrer à pied dans sa Russie natale. Seule et déterminée, elle entame un long voyage à travers l’Amérique profonde pour tenter d’atteindre l’Alaska et traverser le détroit de Béring…

AlloCiné : Lillian s’inspire d’une histoire vraie. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment l’avez-vous découverte ? Et en quoi cette histoire vous a-t-elle fasciné ?

Andreas Horvath, réalisateur de Lillian : Je me trouvais à un festival de cinéma à Montréal. Un jour, alors que mon film n’avait pas de projection, j’ai décidé de m’échapper pour rendre visite à des amis à Toronto. Ces amis avait invité un ami à eux pour le diner qui venait juste de revenir d’Alaska. Il nous a raconté l’histoire de Lillian Alling. Plusieurs coïncidences m’ont mené à entendre cette histoire qui m’a occupé l’esprit pendant de nombreuses années.

C’est l’histoire d’une femme qui, dans les années 1920, a essayé de marcher depuis New York jusqu’à son pays natal, la Russie, via le Détroit de Bering. Comment ne pas être fasciné par cette histoire ? La détermination, la force de Lillian, son sens du défi, malgré l’immensité du parcours. Et le fait que cette marche de cette femme combine tant de lieux différents, de la vibrante métropole de New York, le coeur de l’Amérique et le Détroit de Béring, en quelque sorte bout du monde si l’on peut dire.

Il est parfois difficile à dire si le film est une fiction ou un documentaire, en particulier si l’on ne sait rien du film en le découvrant… Etait-ce volontaire de votre part ?

Je pense que de ne rien lire sur le film avant est en effet une bonne façon de découvrir Lillian. Laissez-vous surprendre ! Mais oui, en tout cas, bien sûr, l’idée depuis le départ était de mêler l’histoire personnelle de Lillian avec un aspect documentaire.

En 2004, lorsque je développais l’idée du film, on ne pouvait pas trouver beaucoup d’informations sur Lillian Alling. Mais je sentais que le film avait besoin de plus. Je n’étais pas intéressé à l’idée de recréer les années 1920. Je voulais transposer cette histoire dans l’Amérique d’aujourd’hui. Ce film porte autant sur la marche de Lilian que les lieux et les personnes qu’elle croise.

Comment justement avez-vous tourné ce film afin de lui donner précisément cet aspect documentaire ? Si on peut en quelque sorte comparer le film à Into The Wild, les choix esthétiques sont en revanche très différents, beaucoup plus sombres, durs, âpres…

Même si Lillian est souvent comparé à Into the Wild, je ne vois pas grand chose en commun. L’idée de base de Lilian était qu’il n’y aurait pas de scénario et que le voyage en lui-même dicterait l’histoire. Quand le tournage a commencé, je savais seulement que nous commencerions à New York en février et que nous terminerions quelque part en Alaska 9 mois plus tard. Tous les personnages, tous les rebondissements du film sont apparus et se sont développés sur la route. Le film dégage une impression de documentaire parce que c’est exactement ce que nous avons fait. C’est donc une approche tout à fait différente d’Into The Wild.

Nous avons parlé aux locaux, nous avons saisi des opportunités. C’est incroyable ce qui peut se produire lorsque vous laissez la chance vous guider. Si le résultat semble dur, c’est bien, mais je ne pense pas que ce soit un film âpre. Il y a beaucoup de poésie dans Lilian. Mais ce n’est pas une équipe de scénaristes qui a imaginé cette poésie, c’est une poésie du quotidien que l’on peut trouver dans la vie de tous les jours si on regarde bien autour de soi.

Combien de temps le tournage a-t-il duré et combien de kilomètres avez-vous parcouru ? Est-ce que le tournage et le voyage du personnage se sont confondus en quelque sorte ?

Le tournage et le trajet se sont en effet absolument mêlés. Bien sûr, nous n’avons pas marché comme la vraie Lillian, mais même si nous avons fait le voyage en voiture, l’expérience de tournage et de voyage n’ont fait qu’un. Patrycja (l’actrice) et moi étions en Amérique du Nord pendant 9 mois consécutifs. Pendant cette période, nous avions 7 moments de tournage officiellement calés : à chaque fois, une petite équipe de trois personnes additionnelles étaient envoyées en renfort pour deux semaines. Entre ces temps de tournage définis, Patrycja et moi avons continué à voyager, à faire des recherches et du repérage. Mais finalement, nous avons tourné de plus en plus. Il y a 30 minutes du film qui n’ont été tournés que par nous deux.

La vraie Lillian Alling a marché environ 8 000 kilomètres. Nous avons conduit de New York à l’Alaska, mais bien sûr, nous avons beaucoup zig-zagué, à la recherche de lieux de tournage. Pour être honnête, je ne sais pas précisément le nombre de kilomètres nous avons parcouru. J’ai perdu trace du kilométrage, entre autres parce que notre voiture est tombée en panne et nous avons dû changer de véhicule. A la fin du tournage, j’ai du ramener la voiture à notre point de départ à New York, car il s’agissait d’une voiture de location et cela aurait coûté une fortune de devoir la rendre dans un autre lieu.

Comment avez-vous découvert Patricja, votre personnage principal ? 

Nous avons organisé un casting pendant plus d’un an. Nous avons mis des annonces dans des journaux, des magazines, sur les réseaux sociaux. Le producteur et moi préférions faire appel à une non-actrice pour le rôle de Lillian. Mais bien sûr beaucoup d’actrices professionnelles nous ont contacté. A un moment, l’assistant du directeur de casting m’a dit que j’avais vu plus de 700 femmes. Patrycja, qui n’avait jamais joué la comédie auparavant, a été découverte par hasard dans un bar à Varsovie.

Votre personnage principal ne parle pas du tout. Etait-ce clair dès le départ qu’elle ne parlerait pas ou avez-vous beaucoup réfléchi à cette question avant de faire ce choix radical ?

Nous savions que la vraie Lilian n’aimait pas trop parler. Lillian Alling a été arrêtée à un moment par un shérif qui a essayé de la protéger. L’hiver arrivait et il s’est dit que si il la laissait seule, elle pourrait être en grand danger. Il l’a mise en prison sur la base de son vagabondage. Il lui voulait du bien, mais bien sûr de son point de vue, il a juste rendu son voyage plus difficile. Il était un obstacle dans sa mission. Le jour où elle est sortie de prison, elle a repris son voyage. Donc cela me parait logique, lorsque vous faite un voyage aussi inhabituel que vous essayez de rester sous les radars. Vous ne voulez pas que les gens s’en mêlent et vous posent trop de questions.

Pour être précis, dans notre version de Lilian, elle prononce un mot dans tout le film. C’était important pour moi de montrer qu’elle n’était pas muette. La décision de ne pas la faire parler était un challenge encore plus fort pour moi en tant que cinéaste et caméraman. Comme je ne pouvais pas me baser sur les dialogues, je devais rester très alerte et chercher constamment des moyens de raconter l’histoire de façon visuelle. Au final, je pense que cela rend la narration encore plus intime et impliquée.

 

allocine.fr
Brigitte Baronnet

 

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