Marins égarés, vampires assoiffés, fils abandonnés… le fantastique fait vibrer Strasbourg

ARTNEWSPRESS: NOUS Y ÉTIONS – La douzième édition du festival européen du film fantastique s’est ouverte vendredi soir sur les bords du Rhin. Une entrée en matière réussie avec The Lighthouse, la rétrospective Robert Rodriguez et la comédie noire déjantée de Ant Timpson Come to Daddy.

Vendredi 13 septembre, 17H00 – Surplombée par l’imposante église Saint-Thomas, l’enclave est nichée au détour d’une ruelle pavée de la cité. Ici, on paye en octopus, la monnaie locale. Quelques pièces, que l’on se procure au guichet, permettent d’assouvir son appétit de flammekueche et bretzels ou d’étancher sa soif de bière. Mais, ce n’est pas la gastronomie locale que sont venus goûter les curieux qui déambulent entre les tentes. Tous sont venus se nourrir de cinéma fantastique, comme l’attestent les autocollants à l’effigie du prophète du genre George A. Romero, les posters de l’icône de l’épouvante Vincent Price ou des affiches d’œufs de Xénomorphes rendus célèbres dans la saga de science-fiction Alien.

Bienvenue dans «le village» de Strasbourg. La cité de l’est, terre de cinéma de genre, accueille la douzième édition du festival du film fantastique. Au programme, dix jours de projections, expositions et rencontres autour du genre et ses fabuleuses créatures. Après avoir honoré John Landis, William Friedkin et Dario Argento lors des précédentes éditions, le président de la manifestation, Daniel Cohen, a dégoté un vampire de la pellicule en guise d’invité d’honneur en la personne de Robert Rodriguez. Pour l’occasion, une rétrospective du mercenaire du cinéma est organisée jusqu’au 22 septembre, date de clôture de la manifestation. Une chance rare de redécouvrir la très hétéroclite filmographie du Texan. À commencer par le classique Une nuit en enfer, le noir Sin City ou la folle saga Desperado.

Père et fils

Ce samedi le réalisateur d’El Mariachi est venu fêter – avec un peu de retard – l’anniversaire de son premier long-métrage. Il présente Red 11, film à microbudget réalisé avec la même somme que l’œuvre qui l’a fait connaître (7.000 dollars). Après un arrêt au South By Southwest Festival dans son Austin natal, puis à Cannes, c’est à Strasbourg que Rodriguez vient projeter son film. Ou disons plutôt son outil pédagogique, car Red 11 accompagne la master class du cinéaste, afin de montrer qu’on peut réaliser avec quelques bouts de ficelle. Et «une bonne dose de créativité».

Pendant sa leçon, qui tend parfois à ressembler à un Ted Talk, le réalisateur de Spy Kids dévoile ses astuces pour filmer sans dépenser: comment enfoncer une seringue dans un œil, shooter une fusillade ou une bagarre ultra-violente sans blesser un seul de ses acteurs. La démarche est bien plus intéressante que le film, qui, quand Rodriguez les invite à partager son bain de foule, ressemble à une initiation au septième art pour ses fils Racer (co-scénariste, responsable du son et acteur) et Rebel (compositeur et acteur).

Soit, le cinéaste n’a pas participé à la traditionnelle Zombie Walk, mais il a su s’adapter à la thématique de ce début de festival: la relation père fils. Un thème que l’on retrouve dans La fameuse Invasion des ours de Sicile, présenté à Strasbourg dans la récente compétition de films d’animation aux côtés de Away ou J’ai perdu mon corps. Un conte inspiré d’une histoire de Dino Buzzati pour petits et grands dans lequel Léonce, roi des Ours, part à la recherche de son fils Tonio, capturé par les humains.

Dans un registre différent, le public strasbourgeois découvre Come To Daddy, en compétition. Norval, ancien alcoolique vivant avec sa mère, retrouve son père après une longue séparation. Portée par un Elijah Wood moustachu, cette comédie noire et déjantée du producteur néo-zélandais Ant Timpson fait osciller le spectateur entre le rire et les larmes et confirme le talent des «Kiwis», au moment où Jojo Rabbit de son compatriote Taika Waititi est primé à Toronto.

Relecture des mythes

Moins enthousiasmant, Koko-di Koko-da du Suédois Johannes Nyholm. Un drame macabre dans lequel des parents endeuillés après le décès de leur fille sont agressés par une bande d’énergumènes sortis tout droit d’un cirque (ou d’un conte de Grimm, au choix). Trop démonstratif, le long-métrage du cinéaste qui suit une construction sisyphéenne – le couple ne semble pouvoir échapper à ses agresseurs – s’embourbe dans une laborieuse métaphore du deuil.

La plus grande réussite du week-end est sans doute la relecture du mythe de Prométhée par Robert Eggers dans The Lighthouse , qui ouvrait la manifestation vendredi soir. Le nouveau film du réalisateur de The Witch met en scène Willem Dafoe et Robert Pattinson, un gardien de phare et son nouvel assistant, sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre à la fin du XIXe siècle. Inspiré des journaux de bords de marins d’époques, d’écrits de Melville et de l’œuvre de la romancière Sarah Orne Jewett, ce Shutter Island «arty» laisse deviner l’amour de son metteur en scène pour les maîtres de l’expressionnisme allemand, les légendes du folklore marin et autres mythes. Une œuvre à plusieurs degrés de lecture qui clivera sans doute lors de sa sortie en salle – le 18 décembre dans l’Hexagone. Un grand récit à la croisée des genres sur l’isolement, la promiscuité et la folie, servi par une écriture soignée et des interprètes illuminés par la grâce.

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Robin Cannone

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