Nicolas Bedos : “Mon film parle du désarroi face à l’accélération hystérique du monde”

ARTNEWSPRESS: Devant plus de 200 spectateurs, Nicolas Bedos et Doria Tillier, les yeux plein de malice, sont venus présenter en avant-première le nouveau film réalisé par lui, “La belle époque”, et interprété par elle

Au Capitole Studios, Doria Tillier et Nicolas Bedos échangent un regard complice quelques minutes avant de rencontrer le public venu assister à la projection en avant-première du film “La Belle Epoque”.

Un dimanche après-midi, au cinéma le Capitole Studios, au Pontet. Devant plus de 200 spectateurs, Nicolas Bedos  et Doria Tillier, les yeux plein de malice, sont venus présenter en avant-première le nouveau film réalisé par lui, “La belle époque”, et interprété par elle. Un film élégant, romanesque, empreint d’une grande liberté, une parenthèse émouvante dans le tourbillon de la vie. À voir au cinéma le 6 novembre.

Nicolas, de quelle manière avez-vous écrit ce scénario ?
Nicolas Bedos : J’avais plusieurs idées en tête. Pour créer, je gamberge beaucoup et partage cela avec Doria qui est dans l’intimité de la gestation d’un film car avec elle, je n’ai pas d’orgueil. Pour écrire, j’ai une méthode originale, je n’écris pas, je dicte à un assistant le film. Cela donne un premier jet et après je pars seul pour structurer les dialogues et le scénario.

Vous replongez votre personnage Victor (Daniel Auteuil) dans les années 1970, pourquoi ce choix ?
Nicolas Bedos : Cette époque est celle où mes parents étaient amoureux. Il y avait quelque chose de libertaire, les rencontres, les fringues, la clope on ne savait pas encore que ça tuait. Si je devais choisir une période à revivre, ce serait celle du Paris des années 1920 : un temps où la ville était la capitale culturelle du monde.

Ce scénario est très dense, il y a beaucoup de plans, c’est un peu c’est un peu votre signature de réalisateur…
Nicolas Bedos : Quand on fait les premiers films, on a une sorte de cri du cœur. Je me demande toujours ce que j’aimerais voir et quel genre je pense pouvoir servir. Pour cela, je suis très content d’avoir commencé à réaliser des films à partir de 35 ans et pas avant, car se précisent avec le temps et sans snobisme nos envies. On assume ce qu’on aime voir même si ce n’est pas dans l’air du temps. Le romanesque, une certaine forme de profusion, vont avec mon caractère, je suis comme cela dans la vie. J’ai très peur d’ennuyer le spectateur.

Doria, le personnage de Margot vous ressemble un peu. Comment l’avez-vous travaillé ?
Doria Tillier : je l’ai travaillé avec un coach. Nous avons fait ce qui pourrait s’apparenter à une psychanalyse du personnage. En effet, dans le passé, j’ai pu jouer des choses que je ne comprenais pas vraiment. J’ai besoin de comprendre mon personnage, connaître l’utilité d’une réplique, pour cela il faut que je cherche.

Et aussi Cinéma : “Vous êtes jeunes, vous êtes beaux”, dernier round avant le K.O.

Cette comédienne que vous incarnez à l’écran, use de costumes et de perruques pour ressembler à l’amour de jeunesse de Victor (Daniel Auteuil). J’imagine que cela vous a plu de jouer de nouveau avec des accessoires, comme vous le faisiez à Canal + … ?
Doria Tillier : Je pense avoir plus de facilité à rentrer dans un personnage qui est physiquement un peu plus loin de moi. Cela m’aide d’être costumée car je pense qu’être heureux et joyeux aide à être bon et je prends plaisir à me déguiser, me grimer. Ne serait-ce que pour cela, il y a un côté fun dans ce film. Et je dois dire que c’est un peu grisant ce double jeu de comédienne.

À quoi avez-vous pensé pour créer Margot, Nicolas Bedos ?
Nicolas Bedos : J’avais envie que Margot devienne la femme totale, qu’elle ait plusieurs visages et que l’on s’y perde. Je souhaitais que le spectateur la désire. Cette femme est parfois tendre, en colère, sexy, un peu soumise, très dominatrice. Je voulais que Doria suscite un érotisme que peut susciter la comédienne avec un grand C, au sens philosophique du terme.

Face à elle, Fanny Ardant, de quelle manière avez-vous travaillé ensemble ?
Nicolas Bedos : Avec Fanny Ardant, cela a été un vrai travail de direction car son personnage est loin de sa personnalité, pendant une bonne partie du film. Ce n’est pas quelqu’un qui peut avoir des colères, elle est dans la séduction en permanence. Je devais l’amener vers des choses plus âcres. Dans ces moments, on espère que nos comédiens vont comprendre plusieurs mois après, pourquoi on a voulu telle intention. Mais sur le moment on est le « relou » de service, c’est ingrat parfois.

Sur le plateau de votre premier film, “M. et Mme Adelman”, quelques tensions ont agrémenté le tournage. Comment s’est déroulé celui-ci ?
Nicolas Bedos : Je pense qu’il y a une donnée très importante : il n’y avait pas la trouille du premier film. Un peu comme un premier rendez-vous amoureux avec une femme, il peut laisser un beau souvenir rétrospectivement, mais dans le fond quand il y a un enjeu important, ce n’est pas agréable. Donc, on enlève la peur sur deux mois et demi de tournage, ça n’est plus la même histoire. Au-delà du scribe, des acteurs, on se connaissait avec notre équipe car on avait déjà travaillé ensemble. Je n’étais plus le même garçon.

Ce film rend hommage aux petites mains du cinéma…
Nicolas Bedos : En effet, le film rend hommage au cinéma. L’équipe en a été très heureuse. D’ailleurs, plusieurs membres apparaissent à l’écran. J’aime faire un cinéma préparé. Je suis un besogneux. L’avantage de ça, c’est qu’il y a un vrai travail d’équipe. Le vendredi à la fin de la semaine de tournage, on faisait même la fête dans les décors jusqu’à 5 heures du mat’ ! Nous n’avions plus envie de nous quitter.

N.B. : À Cannes, j’ai vécu l’une des plus belles soirées de ma vie. Au-delà de la gratification personnelle c’est un formidable encouragement pour mon désir artistique de nourrir un cinéma d’auteur populaire, un genre que j’ai envie de servir. Notre producteur est fier du succès cannois car le film s’est vendu dans monde entier. Partout l’accueil est joyeux, alors que le sujet n’est pas toujours gai. Il traite du désarroi face à l’accélération hystérique du monde numérique, politique, social.

Quels sont vos futurs projets ?
Nicolas Bedos : J’ai plusieurs projets en même temps qui sont nés d’années de frustrations et de romans ratés. Je suis un peu un romancier frustré. J’ai 40 ans, donc j’ai eu le temps d’en avoir des idées.
Après la parenthèse “OSS 117” (il succède à Michel Hazanavicius comme réalisateur de l’opus 3 ndlr) , je devrais débuter le tournage de mon prochain film en septembre 2020 sur la Côte d’Azur, autour de Villefranche et Nice. Je suis un peu intimidé par la Provence car je trouve qu’elle a tellement inspiré…

https://laprovence.com

Coline Robert

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here