Queen et Slim: la fuite par en avant ***

ARTNEWSPRESS: CRITIQUE / Quelque part au tiers de «Queen et Slim», un loustic lance aux deux principaux protagonistes qu’ils sont les Bonnie et Clyde noirs. De l’ironie mal placée et maladroite, à l’image de ce road-movie qui transforme un sujet explosif en pétard mouillé.

Melinda Matsoukas avait pourtant tous les atouts en main pour son premier long métrage : un drame dans l’air du temps sur le racisme systémique aux États-Unis (et la discrimination qui vient avec) ainsi que les «bavures» policières, doublé d’une belle histoire d’amour et de solidarité misant une solide paire d’acteurs.

Le film s’ouvre la première rencontre entre Slim (Daniel Kaluuya, la révélation de Get Out), bon gars pratiquant et sobre, et Queen (Jodie Turner-Smith), une avocate brillante et bravache.

À la sortie du resto, le duo est contrôlé par un policier hargneux qui cherche à les prendre en faute. Abusant de son autorité, il arrête Slim. Queen sort de la voiture. Le flic fait feu. Une bagarre s’ensuit et Slim abat involontairement le représentant des forces de l’ordre.

Malgré l’évidente légitime défense, les comparses paniquent et décident de prendre la fuite. À l’ère de Black Lives Matter, Queen et Slim acquièrent, pour une majorité de Noirs, une stature iconique. Rêvant de s’exiler à Cuba, ils apprennent aussi à se connaître en parcourant cette Amérique des délaissés.

Plutôt que Bonnie et Clyde, le duo partage une évidente parenté avec Thelma et Louise. Comme dans le film de Ridley Scott (1991), la paire est victime de circonstances où chaque geste en entraîne un autre. Cet engrange les conduits d’État en État, trouvant du support et de l’aide auprès de gens compatissants.

La principale force du long métrage réside, sur cet aspect, dans sa volonté (pas toujours réussie) d’éviter les stéréotypes. La dénonciation du racisme policier, un peu trop appuyée, atteint moins sa cible. Sans compter quelques moments tirés par les cheveux et une finale télégraphiée.

Mais la réalisatrice a un talent évident. En témoigne la superbe séquence du juke joint où joue Little Freddie King, alors que Queen et Slim s’envisagent.

Melina Matsoukas vient d’ailleurs de l’univers du vidéoclip (Beyoncé, Jennifer Lopez), ce qui teinte son esthétique. Dans un film qui aurait gagné à être resserré pour maintenir une tension de tous les instants, elle s’offre des moments aux images léchées fortement supportés par (l’excellente) trame sonore de Blood Orange. Une faute de goût qui enlève de la puissance au propos.

On imagine d’ailleurs sans peine le brûlot que Spike Lee aurait tiré d’un tel scénario (signé Lena Waithe). Comme si la réalisatrice avait légèrement freiné plutôt que d’enfoncer l’accélérateur à fond.

En jouant sur plusieurs tableaux, Melina Matsoukas a voulu éviter que Queen et Slim ait un aspect monolithique — mais elle en a dilué le propos.

Les maladresses n’empêchent pas le film d’offrir un bon arc dramatique et le spectateur de prendre fait et cause pour les protagonistes. Et de nous faire ressentir avec beaucoup d’acuité ce que ça représente d’être une minorité visible en Amérique…

Au générique

Cote : ***

Titre : Queen et Slim

Genre : Drame

Réalisatrice : Melina Matsoukas

Acteurs : Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith

Classement : Général

Durée : 2h12

On aime : le point de vue. Les valeurs véhiculées. La trame sonore.

On n’aime pas : des maladresses. Des baisses de tension.

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ÉRIC MOREAULT

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