“Vif argent”, une histoire d’amour sensible et onirique, Prix Jean Vigo 2019

ARTNEWSPRESS: Une déambulation dans un Paris rêvé aux frontières de l’au-delà habite cette première fiction de Stéphane Batut.

Fantôme de la nuit

Juste se réveille une nuit sur la voie ferrée de la petite couronne à Paris, après ce qui semble avoir été une agression. Errant dans les rues jusqu’au matin, il s’aperçoit que personne ne le voit, comme s’il était invisible. Sauf un homme qui le prend par la main pour le guider sur l’autre rive. Une jeune femme, Agathe, le remarque enfin : ils tombent amoureux. Mais bientôt Juste disparaît à ses yeux et il voit à son tour des personnes que nulle autre ne voit. Il les prend à son tour sous son aile pour les guider de l’autre côté du pont. Il parvient à retrouver Agathe : mais elle, comment pourrait-elle aimer un fantôme ?
Etrange récit qu’a concocté et mis en scène Stéphane Batut. Il semble faire écho au célèbre intertitre de Nosferatu de Murnau (1922), “Quand il eut franchi le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre”. A la différence que Juste est lui-même un fantôme et que d’autres vont venir à lui. Le pont, lui, est toujours là, et reste à traverser pour atteindre l’autre rive. Tous ces spectres hantent la ville et ne semblent pas avoir compris qu’ils sont morts. Ou peut-être ne veulent-ils pas l’admettre. L’on dit souvent que les fantômes sont des âmes qui ne se décident pas à quitter la vie terrestre, parce que trop attachées à elle.

Alchimie

Ça pourrait bien être le cas de Juste qui révèle n’avoir jamais connu l’amour, avant de rencontrer Agathe. Un manque qu’il chercherait à combler alors ? Et qui, une fois comblé, le retiendrait encore plus sur terre ? Le Vif argent du titre du film de Stéphane Batut, c’est Juste. Il renvoie au nom donné en alchimie au mercure, métal argenté paradoxalement liquide et à la mobilité extrême. Tout comme Juste, décédé, il devrait être inerte, et pourtant il bouge, et lui est toujours vivant. Ainsi dit-on d’une personne très vive, très remuante, qu’elle est du vif argent. En effet, pour un mort, Juste bouge beaucoup…

Car l’on erre sans cesse dans les rues de Paris dans Vif argent. Un Paris majoritairement nocturne. Une nuit qui enlace la ville dans une gangue poétique, hors du temps. Le film s’apprécie telle une ballade sentimentale, nonchalante, un peu planante. Comme lorsqu’on marche à dix centimètres au-dessus du sol quand on est amoureux et que l’on se sent vivant.

 

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Jacky Bornet

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