Deauville 2019: un demi-siècle de compétition au service du cinéma américain

ARTNEWSPRESS: La 45e édition du festival s’ouvre ce vendredi. Déferleront sur les écrans de la station balnéaire normande des héroïnes du quotidien qui se libèrent de leur carcan, promet le directeur artistique de la manifestation, Bruno Barde, faisant fi des critiques qui dénoncent la présence de Woody Allen.

À l’Amérique inquiète de l’édition 2018 succèdent des héroïnes de tête en quête d’émancipation. Telle est la promesse de la 45e édition du Festival du cinéma américain qui s’ouvre ce vendredi à Deauville, assure au Figaro le directeur artistique de la manifestation, Bruno Barde. L’annonce de la compétition où six films sur quatorze étaient mis en scène par des femmes n’est que le sommet de l’iceberg. Réalisateur ou réalisatrice derrière la caméra, une grande partie des films projetés s’articule autour «de femmes ordinaires qui cherchent à s’échapper du carcan du quotidien», souligne Bruno Barde.

Dans Swallow, une jeune femme enceinte (Haley Bennett, La Fille du train) développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Dans Skin de Guy Nattiv qui plonge dans la mouvance des suprémacistes blancs, c’est par une femme que la rédemption est peut-être possible. À travers Bull d’Annie Silverstein, une adolescente vandale se découvre un nouvel appétit pour la vie sous les ordres d’une ancienne star du rodéo. Dans Share de Pippa Bianco produit par HBO et découvert à Cannes où il était en lice à la caméra d’or, une adolescente doit se souvenir de sa soirée de la veille, chose peu aisée. Judy and Punch, avec l’Alice de Tim Burton Mia Wasikowska, remonte au XVIIe siècle et suit des marionnettistes en prise avec un ordre moral intransigeant sur fond de violences faites aux femmes.

De la compétition, seules deux œuvres sont résolument «des films de mecs», estime Bruno Barde qui distingue The Climb de Michael Angelo Covino sur deux amis en froid et l’étrange Lighthouse de Robert Eggers. Willem Dafoe et Robert Pattinson campent dans ce huis clos en noir et blanc deux gardiens de phare d’une île reculée de Nouvelle Angleterre dans les années 1890. «Un tiers des trente-six longs-métrages qui seront montrés à Deauville ont été tournés par des femmes», rappelle Bruno Barde qui y voit le signe de la lente mais certaine montée en puissance des réalisatrices à Hollywood. Une progression certes insuffisante mais qui, pour le sélectionneur, a aussi contribué à l’avènement de #MeToo.

Triple anniversaire

Placée sous la présidence de Catherine Deneuve, cette 45e édition constitue un triple anniversaire. Presque un demi-siècle de festival, les 25 ans de la compétition officielle et les dix ans de la section séries télévisées. Honorés pour leur carrière, Johnny Depp qui viendra présenter la dystopie En attendant les barbares, et l’ex James Bond Pierce Brosman incarnent cette continuité, selon Bruno Barde. Ils seront rejoints par un trio féminin de tête: Geena Davis, Kristen Stewart et Sienna Miller.

Pour fêter une décennie de séries, Deauville choisit une saga culte et propose grâce à un partenariat avec OCS un défi inédit: un marathon Game of Thrones. À raison d’une journée par saison de 11 heures à 22 heures, tous les épisodes de la saga culte de HBO auront les honneurs du grand écran du cinéma le Morny. Pas sûr que la challenge soit humain, mais le pari s’accompagne de la présence ce week-end sur les planches de Sophie Turner. L’interprète de la résiliente Sansa Stark reçoit le prix Nouvel Hollywood et présente le thriller Heavy dans lequel elle campe le grand amour d’un dealer.

Plusieurs présidents des jurys passés reviendront également dans la station balnéaire normande pour célébrer un demi-siècle de compétition qui a notamment reconnu les premières œuvres d’un Damien Chazelle ou Christopher Nolan. Sont annoncés, samedi, Vincent Lindon, Régis Wargnier, Jean-Jacques Annaud, Claude Lelouch et Olivier Assayas. Le cinéaste viendra recevoir le prix du 45e festival pour saluer sa filmographie trait d’union entre Hollywood et le 7e art tricolore et dévoilera son thriller d’espionnage cubainWasp Network

Bruno Barde assume totalement le virage pris par son festival qui s’est recentré sur le cinéma indépendant et a laissé de côté les films des grands studios. «Le cinéma américain produit 100 films de studios contre 500 longs-métrages indépendants. L’art est vrai quand il crée, et non quand il imite. Malheureusement les blockbusters, les franchises obéissent davantage à des impératifs économiques et marketing qu’artistiques. À Cannes, une des rares productions des studios à porter une vraie vision était Once upon in Time in Hollywood de Tarantino».

Le directeur artistique n’est pas non plus ébranlé par les critiques de groupes féministes qui lui reprochent d’ouvrir le festival avec Un jour de pluie à New York de Woody Allen et d’avoir invité le réalisateur afro-américain Nate Parker, accusé de viol par une camarade d’université, puis acquitté en 2001. Et Bruno Barde de pointer: «Je suis très étonné de cette société qui lapide et qui lynche, où l’on doute de la justice américaine».

http://lefigaro.fr

Constance Jamet

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