“Je serai devenu quelqu’un de tiède si je n’étais pas sorti de mon pays”. Jayro Bustamante, le réalisateur guatémaltèco-français, prix du public au “festival biarritz amérique latine”

ARTNEWSPRESS: Prix du public de la 28e édition du “festival biarritz amérique latine”, La Llorona de Jayro Bustamante est la troisième occurrence d’une trilogie filmique qui décline les injures et stigmatisations excluantes de la bienpensante société guatémaltèque: espèce d’indien, espèce de PD, espèce de communiste !!! Le cinéma y trouve largement son compte avec Ixcanul, Tremblores et aujourd’hui “la pleureuse”. La dénonciation récurrente y est aussi forte que le parti pris esthétique.

Navi Pillay, haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, a salué, lundi 13 mai, la condamnation de l’ancien dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt, au pouvoir en 1982-1983 : “Le Guatemala écrit l’histoire, en devenant le premier pays au monde où un ancien chef d’Etat est condamné pour génocide par une juridiction nationale.” Le général Rios Montt a été condamné à 80 ans de prison – 50 pour génocide et 30 pour crimes de guerre –, le 10 mai. Il a été jugé coupable de la mort de 1 771 indigènes mayas ixil
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Au Guatemala, la guerre civile (1960-1996) aurait fait 200 000 morts et disparus, dont 80 % d’origine indigène, selon l’ONU. Reed Brody estime que la charge de génocide retenue contre le général Rios Montt est conforme aux critères définis par la convention. “Les preuves montraient l’intention de détruire les Mayas ixil comme tels, raconte le juriste de HRW. L’armée a ciblé 100 % des membres du groupe ethnique maya ixil comme ennemi intérieur, même s’il s’agissait de population civile non combattante. Et, selon les témoignages, d’avril 1982 à juillet 1983, lorsque Rios Montt était au pouvoir, 5,5 % des Mayas ixil ont été tués.”

Le Monde, 14 mai 2013.

De quoi pleurer… Le mot “Génocide” n’a pas été entendu par la société et la justice guatémaltèque a annulé la sentence.
Jayro Bustamante convoque aujourd’hui les codes du cinéma fantastique (japonais ou américain) pour continuer à dénoncer un crime contre l’humanité et le silence qui l’accompagne toujours. Dans ce Mot à mot, il accepte l’idée qu’une certaine forme de démagogie est nécessaire pour sensibiliser les jeunes générations à ce pan de l’histoire encore tue dans son pays.
Le récit est porté par les femmes. Trois générations d’une même famille: épouse complice, fille inquiète et petite-fille curieuse servies par des femmes indiennes et “forcément” domestiques… ou ange exterminateur.
Le huis clos a pour espace la grande maison d’un dictateur déchu cernée par la vindicte d’un “peuple” qui refuse le déni. Le cauchemar en est l’une des conséquences…

Jayro Bustamante est un réalisateur, scénariste et producteur guatémaltèque. Son premier long-métrage ”Ixcanul”(2015) a remporté l’Ours d’argent au Festival de Berlin et l’Abrazo (le grand prix) du meilleur film à Biarritz. En 2017 il crée La Sala de Cine, une salle de cinéma gratuite permettant à toutes les classes sociales de voir du cinéma d’auteur. En 2019, son deuxième film ”Tremblements”, présenté au Festival de Berlin, est sorti en salle en France en mai.
© “festival biarritz amérique latine”

FILMOGRAPHIE :
2012 : Cuando sea grande (court-métrage)
2015 : Ixcanul
2019 : Tremblements

 

francetvinfo.fr
Philippe Lefait

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