Louis-Do de Lencquesaing : “J’ai longtemps été en conflit permanent”

Artnewspress: Dans “La Sainte Famille”, Louis-Do de Lencquesaing montre une famille à la fois singulière et universelle. Un portrait intime, en somme… Entretien avec l’acteur et réalisateur qui nous parle de son film comme d’une véritable naissance.

Avec La Sainte Famille, Louis-Do de Lencquesaing nous présente un film à la fois simple et profond. Porté par un casting cinq étoiles (Laura Smet, Léa Drucker, Inna Modja, Thierry Godard, Marthe Keller), le long-métrage tend un miroir de nos familles, leurs travers, leurs névroses et leurs attentes. Entretien avec le réalisateur et acteur.

Pourquoi un film sur la famille ?
Louis-Do de Lencquesaing :
C’est mon second film sur la famille, donc c’est un sujet qui me préoccupe, m’anime… Ca se développe petit à petit, par touches, on essaie de créer des liens entre chaque personnage avec des micro-histoires qui en font une grande. Ce sont des incarnations de plusieurs êtres qui font un tout, une famille, et peut-être une histoire.

Dans quelle mesure ce film s’inscrit dans la lignée de “Au Galop”, votre précédent film ?
Louis-Do de Lencquesaing :
C’est le même genre de famille avec pratiquement le même milieu social, mais je suis allé encore un peu plus loin. J’accumulais des tranches de temps différents : du passé, du présent, de l’avenir…

Comment décririez-vous votre personnage ?
Louis-Do de Lencquesaing :
Je ne les décris pas quand je les écris. Ils sont plus en réaction avec ce qui les entoure… C’est comme un personnage en creux, qui prend existence et se dessine par les autres. Il n’a pas de moteur, il encaisse plus qu’il n’agit. Il se retrouve ministre de manière involontaire, il redécouvre sa famille qu’il avait un peu perdue de vue. Comme je joue un personnage, je ne peux pas avoir une vision d’ensemble, mais à le revoir, après coup, je m’aperçois que c’est quelqu’un dans une sorte de désarroi, qui encaisse pas mal. Il en apprend des vertes et des pas mûres. Malgré tout, il accepte l’évolution du monde et les découvertes qu’il fait sur sa propre famille.

C’est un film qui aborde les travers de la famille de manière drôle et subtile. Cela rejoint-il votre propre histoire ?
Louis-Do de Lencquesaing :
Il y a des choses autobiographiques, mais pas tant que cela. Il y a des petits éléments que je connais bien et qui m’ont inspiré avec ma grand-mère, ma mère… Mais j’essaie d’aller un peu plus loin avec des personnages qui nous poussent ailleurs que dans le vécu. J’invente tous les secrets et les travers. Puis, les personnages se développent d’eux même pendant l’écriture et, tout à coup, conduisent le récit.

“Après tout, vouvoyer sa mère peut être un moyen de lui dire poliment : “Vous faites chier !””

Et comme votre personnage, vous vouvoyiez votre mère…
Louis-Do de Lencquesaing :
Mon père aussi ! Personne n’est parfait… Souvent, on fait des caricatures des gens de ce milieu. Ils sont normaux, mais il se trouve qu’ils ont beaucoup de traditions, une éducation parfois un peu désuète. Le vouvoiement caractérise un peu cette dimension. Plus on est dans l’intime, plus on arrive à joindre l’universel. Cela peut paraître bizarre pour certains, moi-même cela me fait bizarre quand je le vois… Après tout, vouvoyer sa mère peut être un moyen de lui dire poliment : “Vous faites chier !”
Nos familles ne sont pas identiques et pourtant, on s’y reconnaît. J’essaie de parler de rapports profonds qui sont assez communs à tout le monde. On a tous les mêmes névroses, jalousies, ressentiments… La famille est le dernier refuge de quelque chose que l’on peut faire ensemble, alors que l’on se trouve dans une société ultra-individualiste.

Votre personnage évoque la reproduction des anguilles. Une manière de souligner le mystère de la vie ?
Louis-Do de Lencquesaing :
On s’aperçoit que le film parle de la reproduction des enfants, comment ça se fabrique, car ce n’est pas aussi clair que cela en a l’air. On tombe sur un article de journal sur la reproduction des anguilles un jour, et cela résonne… On se rend compte que l’on ne sait toujours pas comment les anguilles se reproduisent, comment cela arrive, pourquoi…On arrive ainsi à tirer un fil sur une réaction contre les scientistes qui veulent tout expliquer. Il s’agit de revenir à l’humanisme. Il le dit un peu plus tard : “N’oubliez pas que c’est la poésie qui mène le monde”.

Le mystère de la reproduction est d’autant plus abyssal que la famille subit des changements avec les familles monoparentales, homoparentales, recomposées …
Louis-Do de Lencquesaing :
C’est comme s’il y avait un désir de plus en plus fort de fonder une famille, alors que dans les années 70, c’était plutôt l’inverse, il y avait une volonté de liberté.

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Louis-Do de Lencquesaing :
C’est assez mystérieux, un peu comme la reproduction des anguilles (rires). Comme le film a failli se faire plusieurs fois en plusieurs années, il y a eu différents types de constructions. Lorsque le projet se concrétise, on change, on modifie, on rajoute, on tombe sur Laura (Smet, ndlr), que j’avais déjà vue il y a 3 ans. Puis, Léa (Drucker, ndlr) surgit d’on ne sait où… Je la connaissais depuis longtemps, donc j’avais envie de tourner avec elle. Quant à Thierry Godard, cela faisait un moment que j’y pensais. Je voulais le sortir de son personnage de flic baroudeur de la série Engrenages. Je prends des immenses acteurs, mais c’est aussi bien de les déplacer de là où on a l’habitude de les voir. Cela les excite et cela régénère leur jeu.

Dans le film, les conflits de famille sont peu dépeints ou de manière cachée. Vous marquent-ils au quotidien ?
Louis-Do de Lencquesaing :
C’est quelque chose qui m’habite, il y en a davantage dans la vraie vie que dans ce film dans lequel je mets plus l’accent sur les tensions et les névroses. Le film est délicat, il n’y a pas de crise de famille, contrairement à moi qui ai été très longtemps en conflit permanent. Là, j’essaie de les éteindre un peu et regarder plus que juger.

Découvrez La Sainte Famille (1h30), de Louis-Do de Lencquesaing, en salles le 25 décembre

journaldesfemmes.fr
Salomé Gegout

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