Oscars 2020 : le vieil Hollywood fera-t-il un triomphe à « 1917 » ?

Artnewspress: Le film du Britannique Sam Mendes part favori, devant les productions signées Netflix, pour la cérémonie prévue dimanche 9 février à Los Angeles.

Quarante-huit heures avant la remise des trophées, l’affaire paraît presque entendue : Netflix attendra encore pour triompher. Les quelque 6 000 membres de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (Ampas), qui votent pour l’attribution des Oscars, couronneront plutôt des films sortis en salle, à commencer par 1917, du Britannique Sam Mendes, financé et distribué par Universal. Tout tend vers cette conclusion : le récent palmarès des Bafta, équivalents britanniques des Oscars, les choix des diverses corporations hollywoodiennes – réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs… – qui ont généralement préféré 1917 ou Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino, à The Irishman, de Martin Scorsese, ou Marriage Story, de Noah Baumbach, tous deux financés et diffusés par Netflix.

Alors qu’en 2019 les efforts de la plate-forme dirigée par Reed Hastings pour faire couronner Roma, d’Alfonso Cuaron, avaient été accueillis avec sympathie, les dizaines de millions de dollars (70, selon la presse professionnelle de Hollywood) dépensés par Netflix cette année pour faire progresser la cause des films de Scorsese et Baumbach, mais aussi de The Two Popes (Les Deux Papes), de Fernando Meirelles, auprès des votants de l’Ampas, semblent avoir suscité un réel agacement chez les professionnels hollywoodiens. Cette irritation tient essentiellement à l’incertitude qui entoure l’avenir de l’industrie cinématographique américaine. A la suite de Disney et de Warner, tous les grands studios s’engouffrent dans la création de plates-formes de streaming et de structures de production destinées à les alimenter.

Establishment traditionnel

Or les films couronnés aux Oscars depuis deux décennies – des longs-métrages destinés aux adultes, porteurs de thèmes sérieux, qui ne déplacent pas forcément les foules – pourraient être détournés des salles vers les plates-formes par les studios. De la décision de Disney de considérablement réduire le programme de la Fox, l’un des principaux pourvoyeurs de films oscarisables, à l’annonce par Warner de la création d’un studio voué à produire des longs-métrages pour sa plate-forme HBO Max : tout semble indiquer que la tendance à la baisse du nombre de sorties en salle va s’accentuer.Si bien que le conservatisme des nominations aux 92es Oscars apparaît comme un ultime sursaut face aux mutations de l’industrie. On a déjà glosé sur l’absence des réalisatrices des nominations au trophée de la mise en scène, sur la sous-représentation des minorités parmi les acteurs. Même les vingt-quatre nominations recueillies par des films en ligne sur Netflix sont allées à des figures de l’establishment traditionnel, Martin Scorsese ou Scarlett Johansson, Anthony Hopkins ou Laura Dern.

Lire l’analyse sur les Oscars 2020 : Des nominations toujours aussi masculines, un tout petit peu moins blanches grâce à « Parasite »

Parmi ces candidats, les votants pourraient donner la priorité aux films qui ont triomphé de l’épreuve de la salle. Même si la fréquentation est en baisse aux Etats-Unis, une demi-douzaine de longs-métrages nommés ont réussi à s’imposer dans les multiplexes, entre les superhéros et les films d’animation numériques : produits et/ou distribués par les majors du film, 1917, Once Upon a Time… in Hollywood, Le Mans 1966, Les Filles du docteur March ont déplacé des millions de spectateurs.

Deux cas marginaux

Restent deux cas marginaux, Joker et Parasite. Le film de Todd Phillips pourrait valoir à Joaquin Phoenix son premier Oscar, puisque le récit des origines du pire ennemi de Batman est parvenu à s’affranchir du stigmate du film de superhéros, grâce à la majorité des critiques américains. Bong Joon-ho, le réalisateur coréen de Parasite, est de loin le meilleur réalisateur de l’année, selon les lecteurs du New York Times, qui ont été appelés par leur journal à remettre leurs propres Oscars.

Mais les professionnels américains du cinéma, qui forment l’immense majorité des membres de l’Ampas, malgré les efforts de diversification de la direction de l’académie, sont-ils prêts à distinguer un film tourné ailleurs qu’aux Etats-Unis, dans une langue qui n’est pas l’anglais, dans une autre catégorie qu’« International Feature Film » (« long-métrage international », nouvelle appellation de l’Oscar du film en langue étrangère) ? Avec le soutien de Netflix, le Mexicain Alfonso Cuaron avait réussi à décrocher l’Oscar de la réalisation en 2019. Mais l’auteur de Gravity est une figure familière à Hollywood, contrairement au « director Bong ».Dernière inconnue, la cérémonie elle-même. Pour la seconde année consécutive, elle se passera de présentateur. Imposée à l’origine par la défection forcée de l’acteur Kevin Hart, rattrapé par des tweets homophobes, cette décision de l’Académie est, cette fois, pleinement assumée. Elle a permis de raccourcir la durée de la retransmission dont l’audience a augmenté de 12 %, sa première hausse depuis des années. Reste à confirmer ce regain d’affection.

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