Robert De Niro et Al Pacino au micro pour The Irishman

ARTNEWSPRESS: AlloCiné a rencontré les deux comédiens principaux de “The Irishman”, Robert De Niro et Al Pacino, pour évoquer leur collaboration avec Martin Scorsese, leur rajeunissement numérique et leur première rencontre.

The Irishman de Martin Scorsese est centré sur la vie de Frank Sheeran (Robert De Niro), simple conducteur de camions qui va devenir tueur à gages pour le compte de la mafia. Lorsque le politicien et chef de syndicat Jimmy Hoffa (Al Pacino) commence à devenir ingérable, on charge Sheeran de l’assassinat de son ami Hoffa. Pour évoquer ce film -sans spoiler-, 10 journalistes étaient assis en table ronde pour rencontrer Al Pacino et Robert De Niro.

La tension est palpable. Dix journalistes attendent pour rencontrer deux légendes du cinéma. Certains ont déjà rencontré Bob De Niro, mais aucun n’a jamais croisé Al Pacino. Comment sera-t-il ? Les deux hommes seront-ils à la hauteur du mythe sur lequel le public a placé leurs performances dans Serpico, L’Impasse, Le Parrain 2 ou Raging Bull ? Ils entrent, tous les deux en veste noire. Pacino porte au doigt une énorme bague et il est un peu voûté, De Niro s’asseoit simplement. Et l’entretien peut commencer.

Avant que le projet de The Irishman n’arrive sur la table de De Niro, l’acteur développait avec Martin Scorsese l’adaptation en film du livre L’Hiver de Frankie Machine, l’histoire d’un tueur à gages de la côte ouest. Selon De Niro, son ami réalisateur avait commencé à lui montrer des films en noir et blanc avec Jean Gabin pour travailler notamment sur le look du personnage. Puis le roman I Heard You Paint Houses est sorti en 2004 et De Niro a commencé à le lire :

“Une semaine après environ, j’ai conseillé [à Scorsese] de le lire, il l’a fait et était d’accord que ça pouvait être notre nouveau projet. Nous en avons parlé au studio, à Paramount, et nous comptions mêler les deux histoires [Frankie Machine et celle de Frank Sheeran, NdlR]. (…) Mais le studio a rejeté l’idée et le projet est tombé dans les limbes. Puis Marty a engagé Steven Zaillian pour écrire le scénario. Et il a fallu attendre qu’il finisse Hugo [Cabret], Silence… Mais nous n’avons jamais perdu le projet de vue et nous en parlions, notamment avec Joe Pesci…”

Robert De Niro dans “The Irishman”

La suite est plus connue : le financement de The Irishman tarde à se monter et le projet est sauvé par Netflix, seul studio capable d’avancer la somme manquante pour commencer le tournage et assurer la longue et coûteuse post-production qui va suivre. Car le film suit la vie de Frank Sheeran de sa jeunesse jusqu’à sa mort, et les acteurs (Bob De Niro et Al Pacino en tête) devront être rajeunis numériquement.

Il était légitime de se demander si l’utilisation de capteurs et de technologie pour rajeunir des comédiens vétérans avait parfois pu être un fardeau sur le plateau, mais Al Pacino n’hésite pas une seconde : “ça ne l’était pas pour moi. (…) Lorsque vous faites un film, vous acceptez ce qui peut se passer sur le plateau (…). Nous avions des capteurs sur le visage et après un certain temps, on s’y fait, j’y ai pris du plaisir. Quand je me suis préparé pour le rôle, j’ai travaillé avec des capteurs sur mon visage, c’était mon maquillage”.

Ce à quoi Robert De Niro ajoute : “Le processus de rajeunissement [numérique] n’était pas particulièrement compliqué pour nous. On m’a dit : “sois-toi même, et nous te rajeunirons”.  Le plus difficile a été lors de la période “entre deux âges” et que je devais porter des prothèses avec du maquillage par-dessus”. Autrement dit pour l’acteur de Raging Bull : vive la technologie, adieu les prothèses !

Les deux comédiens se retrouvent après avoir tourné séparemment leurs scènes du Parrain 2, puis s’être donnés la réplique dans Heat, le chef d’oeuvre de Michael Mann, et dans La Loi et l’ordre, l’échec de Jon Avnet. Pourtant, De Niro et Pacino se côtoient depuis très longtemps, comme le raconte ce dernier : “Nous nous connaissons depuis les années 60, nous nous sommes rencontrés alors que nous n’étions encore que de jeunes acteurs, et au fil des années, nous avons fait connaissance. (…) Ce qui nous est arrivé [professionnellement] était inattendu. On s’en parlait quand on se croisait car nous vivions la même chose. Cela nous donnait confiance.”

Al Pacino est le syndicaliste Jimmy Hoffa

En adaptant I Heard You Paint Houses de Charles Brandt, c’est une partie de l’histoire américaine des années 60 et 70 qui reprend vie sous nos yeux, avec quelques bémols, comme le confie Pacino : “Nous recréons des événements historiques influencés par un point de vue. J’ai aussi fait avec mon souvenir de Jimmy Hoffa, qui était pour moi une icone. Je ne savais pas grand-chose de sa vie ni ce qu’il faisait avec les syndicats mais j’ai découvert cela en faisant mes recherches”.

Interrogé sur la violence du film (qui est bien plus en retrait que dans de précédents films du réalisateur), De Niro s’est énervé contre Donald Trump et “la violence de sa politique”. Le tout avec un regard glaçant digne de ses colères de Casino. Mais si la violence est plus absente du film, c’est qu’avec The Irishman et la vie de Frank Sheeran, Scorsese explore à nouveau la mafia italo-américaine mais cette fois-ci, prend comme angle d’attaque la vie privée du tueur et ses relations familiales. Une nouvelle façon de traiter la vie des gangsters, ce que nous a confirmé Al Pacino : “[Martin Scorsese] exprime ce qu’il voit avec un autre regard [que dans ses précédents films], et c’est ce que font les artistes”. 

Mais notre temps d’entretien était écoulé. Les deux légendes allaient partir. Ouvertes à la discussion et souriantes, elles nous ont fait réaliser, à nous les chanceux présents dans cette chambre d’hôtel, qu’ils étaient des êtres de chair et de sang, là où nous les avions imaginé uniquement faits de pellicule et créés pour les besoin du cinéma.

En partant, De Niro revient vers nous, demande si les trois bonbons qui traînent sur la table depuis le début de l’entretien sont à quelqu’un. Ils ne sont à personne, il en empoche en glissant un “j’en prends deux” avec un regard malicieux et rattrape son camarade déjà parti. Toujours être prêt pour l’improvisation, voilà une leçon d’un grand acteur.

https://allocine.fr

Corentin Palanchini

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