SEULES LES BÊTES (Critique)

ARTNEWSPRESS: SEULES LES BÊTES

SYNOPSIS: Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé́ loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brûle, et où la pauvreté́ n’empêche pas le désir de dicter sa loi.

Dominik Moll nous revient avec Seules les bêtes, un long métrage à multiples facettes qui se plaît à emmener le spectateur sur des sentiers imprévisibles en le baladant du début à la fin. Présenté dans sa bande annonce et son synopsis comme un thriller, puis durant sa première partie comme un film social, Seules les bêtes n’est au final rien de tout ça, ou tout ça à la fois mais ne s’y résume pas. En effet, s’il met en scène une disparition liée à la vie d’une multitude de personnages accablés par la misère affective, c’est bien dans son ingéniosité que réside sa grande force et non dans ce qu’il semblait être de prime abord. Le film est malin, millimétré et va jusqu’à rendre le pathétisme des personnages, et les conséquences de leurs agissements les uns sur les autres, presque jouissif pour le spectateur : les rouages de cette machine bien huilée se dévoilent tout au long du récit et gageons qu’une fois sortis de la salle vous ne pourrez que vous résoudre à admettre que ce à quoi vous avez assisté était radicalement différent de ce que laissait présager les informations dévoilées avant la sortie.

Comme susmentionné, Seules les bêtes se concentre sur plusieurs personnages, tous connectés par une chose bien précise : une femme disparue. Si nous pouvions penser que le film s’orienterait vers une enquête en vue de retrouver ladite disparue il n’en est finalement rien car il a beaucoup plus à offrir que ça. Le début de Seules les bêtes est ainsi déroutant et au-delà de nous faire douter sur la direction qu’il va prendre, il demeure probablement le segment le plus faible de l’histoire, celui qui nous a le moins passionné, peut-être parce qu’il est avant tout guidé par la bizarrerie et l’étrangeté. Heureusement nos doutes se sont rapidement dissipés. Afin de vous garder l’effet de surprise, nous ne dévoileront néanmoins pas de quoi il retourne exactement, la stupéfaction procurée au spectateur étant le meilleur ingrédient de cette grande toile d’araignée aux ramifications solides et maîtrisées où le hasard, certes artificiel car créé de toute pièce par des artisans de l’écriture (comme nous l’expliquera le scénariste Gilles Marchand), règne en maître. Au-delà de sa structure et de ses twists, Seules les bêtes peut compter, toujours du point de vue de son écriture, sur des personnages parfaitement caractérisés dont la profondeur prend de l’ampleur tout au long de son impitoyable narration. Les protagonistes sont noyés sous les non-dits et les mensonges mais restent à la recherche d’un idéal et c’est paradoxalement cette quête d’idéal afin de braver le chagrin et la solitude qui va mener au drame. Le film de Dominik Moll ne cesse d’explorer cette misère et de repousser les limites de ce qu’il va faire vivre à ses personnages, le spectateur découvrant parfois avant lesdits personnages le funeste destin qui les attend, en témoignent les succulentes scènes de conversations par écrans interposés où Denis Ménochet est exceptionnel. Mais même lorsque le spectateur pense avoir tout compris il n’en est finalement rien, Dominik Moll et son équipe ayant toujours un coup d’avance sur nous.

Si les personnages sont brillamment écrits, ils ne seraient rien s’ils n’étaient pas aussi brillamment interprétés et ça tombe bien car nous avons le droit à un casting aux petits oignons : Denis Ménochet, Laure Calamy, Nadia Tereszkiewicz, Valeria Bruni Tedeschi et Guy Roger N’drin en tête. Ils insufflent tous une force et une sensibilité extraordinaires à leurs personnages alors même que ceux-ci agissent de façon immorale, souvent guidés par leurs failles et leurs bas instincts…le spectateur se retrouve ainsi dans une étrange situation où il éprouve très souvent de l’empathie à leur encontre et en même temps s’amuse de leur sort, la structure du film favorisant ce sentiment de où les protagonistes ne sont que les instruments d’un cruel hasard, les pions d’un immense échiquier.

N’ayant au moment de l’écriture de ces lignes pas lu le livre éponyme de Colin Niel dont le film est l’adaptation, nous ignorons ce qui a été repris ou non dans le matériau d’origine au sein du long métrage. Reste que si le hasard savamment orchestré par les scénaristes du film fait mouche tout du long, nous n’avons pas pu nous empêcher de penser que la surprise finale, dans la toute dernière minute du film, était le hasard de trop, celui qui n’aurait pas dû y figurer, car le faisant basculer dans un côté ” too much ” qui nuit à la crédibilité qu’il avait pourtant réussi à instaurer au détour de cette incroyable toile de vies. Car c’est à la base en ça que Seules les bêtes est brillant : connecter des personnages, parfois géographiquement éloignés, les uns aux autres et montrer les répercussions de leurs interactions. Mais à trop vouloir jouer avec le hasard, on finit par montrer au spectateur qu’il est purement artificiel alors qu’il avait jusqu’à présent la sensation que tout tenait la route, et c’est la raison qui fait que la dernière scène, certes anecdotique, était dispensable. Aussi tendre que sans pitié avec ses personnages, Seules les bêtes est un puzzle surprenant. Le grand retour de Dominik Moll ?

Titre Original: SEULES LES BÊTES

Réalisé par: Dominik Moll

Casting : Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard …

Genre: Thriller, Policier, Drame

Sortie le: 04 décembre 2019

Distribué par: Haut et Court

https://focus-cinema.com

Cliffhanger

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