Tirailleurs : Omar Sy a failli ne pas jouer dans ce film de guerre

Artnewspress: En salles depuis mercredi, “Tirailleurs” est un drame historique de Mathieu Vadepied qui rend hommage aux tirailleurs de la Première Guerre mondiale.

Tirailleurs de Mathieu Vadepied

Avec Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet…

De quoi ça parle ? 1917. Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.

Le réalisateur Mathieu Vadepied et Omar Sy se sont rencontrés sur le tournage d’Intouchables en 2011, où Vadepied était directeur de la photographie. Depuis, le comédien n’a eu de cesse d’accompagner Tirailleurs tout au long de ses dix années de développement.

Devenu trop vieux pour camper le rôle principal, il a envisagé de se retirer du projet mais voulait continuer à soutenir le film en le co-produisant. Finalement, il incarne le père du héros, tout en participant à la production : “je veux montrer que mon implication va au-delà d’être à l’affiche. C’est une implication qui dépasse celle de l’acteur. Je crois beaucoup en cette histoire, c’est important pour moi qu’elle existe, et j’ai envie d’aider à la faire connaître du mieux possible. J’ai pensé qu’en être seulement l’acteur n’était pas suffisant. Jouer et coproduire sont deux formes de soutien.”

Cet engagement s’est ressenti dans sa collaboration avec le réalisateur, comme ce dernier le raconte : “Avec Omar Sy, ça a été extrêmement puissant, avec quelques frictions entre nous alors que nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons appris à écouter chacun ce qu’il y avait de différent chez l’autre. Je l’invitais à une forme de minimalisme et nous avancions pas à pas, entre la langue peule que je ne parle pas, et le ressenti qu’il avait. Nous avons trouvé le personnage de Bakary dans cet échange riche et inédit pour nous deux je crois.”

Qui sont les tirailleurs ?

Le premier bataillon de tirailleurs a été créé par décret impérial en juillet 1857. Ce corps de militaires a été constitué au sein de l’Empire colonial français et composé de soldats africains, du Maghreb à l’Afrique subsaharienne. Ils ont participé à des moments de gloire – la défense de Reims en 1918 ou la bataille de Bir Hakeim en 1940 – comme à des tragédies telles que les terribles massacres commis par la Wehrmacht à leur encontre lors de la campagne de France.

Quant aux tirailleurs dits « sénégalais » (venus du Sénégal mais aussi de toute l’Afrique), ils sont montés au front, aux côtés des poilus de métropole. Ils étaient près de 200 000 à combattre, 30 000 sont morts sur les champs de bataille de la Grande Guerre, beaucoup sont revenus blessés ou invalides. Près de 150 000 ont été mobilisés durant la Seconde Guerre mondiale (les chiffres varient selon les sources). Ce corps militaire a été dissous en 1960.

L’histoire des tirailleurs reste encore méconnue et souvent oubliée des manuels scolaires.

Genèse

L’idée du film est née en 1998 avec la mort du dernier tirailleur sénégalais (Abdoulaye Ndiaye, à l’âge de 104 ans, il avait été enrôlé de force en 1914). Il est mort la veille du jour où il devait recevoir la légion d’honneur promise par le président de la République, Jacques Chirac.

Mathieu Vadepied se souvient : “je ne sais pas pourquoi, je me dis que si ça se trouve dans la tombe du Soldat inconnu reposent les restes d’un tirailleur de l’armée coloniale issu d’un de ces pays africains colonisés alors par la France. Cela a commencé ainsi. Ensuite, j’ai fait des recherches, même si à l’époque, je ne pensais pas que j’aurais un jour l’opportunité de réaliser un film pareil. C’est resté dans ma tête et cela a fait son chemin.”

Le projet d’une vie

Le réalisateur définit Tirailleurs comme “le projet d’une vie”. Il entretient depuis l’enfance un lien avec le continent africain. Son grand-père – à qui le film est dédié – était maire d’Évron, une petite ville agricole de la Mayenne, jumelée avec Lakota, en Côte d’Ivoire. “Petit, je voyais souvent des délégations ivoiriennes venir lors de manifestations festives et culturelles à Evron. J’ai baigné là-dedans, et cela est resté ancré en moi. Cette fraternité entre paysans de deux continents m’a marqué.”

Grâce à son grand-père, maire et sénateur, et son père, devenu député d’une circonscription dans l’Oise, Mathieu Vadepied a développé une conscience politique concernant les questions mémorielles. Il a voulu dresser “un état des lieux de la société française dans sa diversité, sa richesse, sa force en assumant ce passé et, surtout, avec la nécessité vitale de le reconnaître.”

La langue peule

Tirailleurs a été tourné en partie en peul, langue parlée dans une vingtaine d’États, en Afrique de l’Ouest et au Sahel ainsi qu’en Afrique centrale. Un choix assumé du réalisateur qui permet de conserver l’authenticité du récit, même s’il pouvait faire peur aux coproducteurs et aux chaînes de télévision : “Je trouvais cela passionnant de réaliser un film très immersif, dans la perception des personnages, à hauteur d’homme, pas surplombant historiquement – ce n’est pas une reconstitution. Je voulais une mise en scène et une direction d’acteurs qui nous plongent dans une forme de présent. Un présent de l’époque.”

Il en était de même pour Omar Sy : “il n’était pas question de jouer un Français avec un accent, je ne me voyais pas faire cela. Je pensais que c’était mauvais pour le film. Je trouve qu’avec ce que l’on raconte sur le plan historique, émotionnel, il faut être exigeant. Donc le choix de jouer en langue peule, langue que je parle, était déterminant.”.

Emilie Schneider

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