Deauville 2022 : on a vu notre film préféré de la Compétition, la méchante de Once Upon a Time dans un drame…

Artnewspress :

Deux longs métrages passés par Cannes (dont la Caméra d’Or). Une actrice qui passe derrière la caméra. Un film d’horreur dérangeant. Retour sur les derniers films vus au Festival de Deauville.

La passerelle entre les festivals de Cannes et Deauville est toujours aussi solide. Et même encore plus depuis 2020 et l’instauration de la section “L’Heure de la Croisette”, qui permettra aux spectateurs de découvrir la Palme d’Or Sans filtre en fin de semaine.

En attendant, deux longs métrages passés par Cannes en mai sont aujourd’hui en Compétition. À commencer par War Pony de Riley Keough et Gina Gammell, lauréat de la Caméra d’Or qui récompense le meilleur premier film vu sur la Croisette, toutes sections confondues. Également à l’honneur, le poignant Aftersun de Charlotte Wells avec Paul Mescal, révélé par Normal People, et passé par la Semaine de la Critique en mai dernier.

Parmi les autres films du jour, notons la présentation de Scrap signé Vivian Kerr, dans lequel on retrouve Lana Parrilla, ex-méchante reine de Once Upon a Time. Le film d’horreur Blood de Brad Anderson (The Machinist), qui renoue avec le genre. Et le thriller At the Gates, avec Noah Wyle et Miranda Otto.

Aftersun de Charlotte Wells – Compétition

Mubi

Comme sa partenaire de Normal People Daisy Edgar-Jones, vue récemment dans Là où chantent les écrevisses, Paul Mescal s’illustre au cinéma. Et nous rappelle que nous avons eu raison de miser sur lui. Dans le premier long métrage réalisé par Charlotte Wells, il incarne Calum, père de Sophie (Frankie Corio), 11 ans, avec qui il part en vacances. Il souhaite que leur séjour soit parfait, mais chaque petite contrariété semble l’affecter plus que de raison, et son humeur s’assombrit au fil des jours.

Dès la première séquence, extraite d’un film de famille où il semble se défiler lorsque Sophie lui demande si sa vie actuelle est celle dont il rêvait plus jeune, Aftersun nous fait sentir que quelque chose cloche. Que ce père prend trop sur lui pour le bien de sa fille, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus. Dans beaucoup de premiers longs métrages, un rebondissement aurait fait basculer l’histoire, et bon nombre de scènes nous font redouter que ce soit le cas ici.

Mais non. Charlotte Wells reste sur des séquences a priori normales et prend le risque que des spectateurs aient du mal à entrer dans le récit, alors qu’elle donne quelques pistes à défaut de réponses concrètes. Jusqu’à ce qu’un flash forward nous permette d’y voir un peu plus clair et de comprendre, notamment, l’importance des vidéos tournées au caméscope et le point de vue de la narration. Dès lors, Aftersun, et sans se départir de sa simplicité et de sa délicatesse remarquables, devient de plus en plus bouleversant, pour se finir sur un dernier plan magnifique, sur la forme comme sur le fond.

Tout porte à croire qu’il s’agit d’un récit autobiographique, ce que Charlotte Wells se refuse de confirmer. Il y a cependant fort à parier que la cinéaste a mis beaucoup d’elle-même dans ce premier film passé par la Semaine de la Critique de Cannes, vu l’importance accordée aux images et sa manière de mettre les souvenirs en scène. Personnel ou pas, le résultat est très fort. Et c’est notre chouchou de la Compétition jusqu’ici.

War Pony de Riley Keough & Gina Gammell – Compétition

Protagonist Pictures

Après Cannes, c’est à Deauville que planait l’ombre d’Elvis Presley grâce à sa petite-fille qui s’illustre avec sa première réalisation. Secondée par Gina Gammell (co-productrice de Dixieland, dans lequel elle jouait), Riley Keough fait ses premiers pas derrière la caméra et nous emmène dans la réserve indienne de Pine Ridge (Dakota du Sud) pour raconter l’histoire de passage à l’âge adulte de deux jeunes qui tente de s’en sortir. Quitte à tomber dans l’illégalité.

Ceux qui ont vu le très beau The Rider de Chloé Zhao se sentiront peut-être en terrain connu, car la cinéaste oscarisée avait tourné dans la même région. On pense également à la série Reservation Dogs, qui explore les mêmes thèmes, ou à American Honey d’Andrea Arnold, déjà avec Riley Keough au casting, qui montrait une Amérique trop souvent laissée en dehors du cinéma.

Porté par des acteurs non-professionnels bluffants de naturel (dont beaucoup étaient présents pour la projection officielle, et très émus face aux applaudissements qui leur ont été réservés), War Pony impressionne par sa maîtrise, que viennent à peine entacher quelques longueurs dans le récit. Les deux réalisatrices nous offrent un conte tantôt grave et léger, qui flirte légèrement avec l’onirisme et ne met pas longtemps à nous séduire. Après la Caméra d’Or (prix remis au meilleur premier long, toutes sections cannois confondues) et la Palm Dog, qui récompense le meilleur chien vu dans un film, leur opus va-t-il s’offrir le Grand Prix de Deauville ?

Scrap de Vivian Kerr – Compétition

A Season of Rain

En anglais, “scrap” signifie “déchet” ou “rebut”. Et c’est sans aucun doute ce que les trois personnages principaux du premier long métrage écrit, réalisé et interprété par l’actrice Vivian Kerr (Castle), d’après le court du même nom dont elle n’était que la scénariste en 2018. Nous suivons donc Beth, mère célibataire qui se retrouve contrainte de vivre dans sa voiture et tente de cacher sa situation à son frère Ben (Anthony Rapp).

Lequel est un écrivain en panne d’inspiration alors que les fans attendent avec impatience le prochain tome de sa saga de fantasy. Et qui tente, depuis trois ans, d’avoir un enfant avec son épouse Stacy, jouée par Lana Parrilla. Vue récemment en méchante reine dans la série Once Upon a Time, puis en femme au foyer mortelle dans Why Women Kill, la comédienne trouve ici un rôle plus terre à terre dans lequel elle excelle. Comme ses partenaires.

Malgré le sentiment de déjà-vu qui se dégage de cette histoire où les protagonistes se débattent avec leurs vies respectives, leurs relations et les non-dits qu’elles comportent, Scrap finit par emporter l’adhésion. Grâce à la justesse des émotions qu’il dégage au fur et à mesure de ce récit qui évoque les apparences, les choses qu’on dit et celles que l’on tait. Le tout avec un esprit positif (mais pas béat), qui pourrait l’aider à toucher le public.

Blood de Brad Anderson – Première

Rhea Films

Réalisateur de The Machinist, Brad Anderson était venu à Deauville en 1998, avec la comédie romantique Et plus si affinités, qui lui avait valu le Grand Prix et le Prix du Public. Comme il l’explique dans le message diffusé en préambule, son nouvel opus est moins romantique, et beaucoup moins drôle. Blood marque en effet son retour à l’horreur, lui qui a également signé Session 9 et L’Empire des ombres dans le genre.

Alors qu’elle vient d’emménager avec ses deux enfants dans une ancienne ferme, suite à sa séparation avec leur père, Jess (Michelle Monaghan) voit sa vie basculer le jour où son fils Owen (Finlay Wojtak-Hissong) est mordu par leur chien et développe une curieuse infection. Alors qu’elle doit se battre avec son ex-mari pour la garde de ses enfants, cette infirmière va devoir montrer, d’une toute autre manière, qu’elle est prête à tout pour eux.

En résulte un film sanglant. Très. Mais peut-être pas comme on l’imagine. Et qui n’a pas peur d’être dérangeant ou très sérieux, même si la gradation rapide des événements dans la première moitié a suscité quelques rires. Si le savoir-faire de Brad Anderson est là, Blood pêche côté scénario : malgré sa volonté de revisiter le mythe du vampire à travers un prisme humain et familial, il accuse des longueurs et les choix de certains personnages pourront sembler incohérents. Mais le cinéaste n’avait pas tort quand il annonçait une toute autre ambiance que celle de Et plus si affinités.

At the Gates d’Augustus Meleo Bernstein – Première

Picturehouse Entertainent

On a coutume de dire qu’un festival comme celui de Deauville permet de prendre le pouls de l’Amérique à travers les films qui sont présentés. Covid oblige, il n’est pas rare de tomber sur des récits qui parlent d’enfermement physique ou mental. Comme At the Gates, premier long métrage d’Augustus Meleo Bernstein, qui avoue avoir écrit au moment du confinement cette histoire d’une femme de ménage salvadorienne et de son fils, contraints de vivre dans le sous-sol de leurs employeurs pour échapper aux agents de l’immigration.

C’est en tout cas ce que leur disent les époux Barris (joués par Miranda Otto et Noah Wyle), qui ont en outre pris leurs téléphones portables, pour limiter tout risque de géolocalisation. Ce qui, forcément, fait naître des doutes sur leurs vraies intentions, surtout que les relations ne mettent pas longtemps à se tendre. Que cache donc cette famille ? C’est que Nico (Ezekiel Pacheco), le fils d’Ana (Vanessa Benavente) va tenter de découvrir.

S’il dure moins de 100 minutes, At the Gates accuse quelques longueurs au milieu de son récit, et donne presque l’impression que le scénariste et metteur en scène ne sait pas où aller, alors que la musique, omniprésente, appuie trop le côté thriller. Mais Augustus Meleo Bernstein se reprend et surprend, en maintenant l’ambiguïté jusqu’à la fin de ce premier essai imparfait mais très prometteur, qui ne se prive pas d’épingler la politique migratoire des États-Unis.

Stay Awake de Jamie Sisley – Compétition

Dialectic

Contrairement à Aftersun, sur lequel sa réalisatrice laisse planer le doute, Stay Awake assume ses velléités autobiographiques. Le réalisateur Jamie Sisley a en effet affirmé s’être inspiré de sa propre jeunesse pour raconter l’histoire de son premier long métrage de fiction : celle d’un ado et de son grand frère, confrontés à l’addiction de leur mère. Et à ces moments, répétitifs, où ils doivent tout interrompre pour aller la chercher et siffloter des musiques de films qu’elle doit reconnaître, pour rester éveillée.

D’où le titre de cette comédie dramatique qui fait parfois penser à This Is Us, bien aidé par la présence de Chrissy Metz dans le rôle de la mère. Mais cette dernière n’est que secondaire dans le film, qui se focalise davantage sur ses aidants, à savoir Ethan (Wyatt Oleff, le Stanley de Ça) et Derek (Fin Argus, vu dans la nouvelle version de Queer as Folk), qui ne peuvent avancer et entrer dans le monde des adultes.

Stay Awake a ainsi le mérite de changer le point de vue, par rapport à la majorité des histoires d’addiction, même s’il contient beaucoup d’ingrédients classiques de ce type de films indépendants américains. Mais il n’empêche que ça marche. Le mélange de comédie et de drame est bien dosé, la sincérité du projet se ressent, et l’absence de prise de risque du côté de la mise en scène est compensée par la justesse de ses émotions. S’il obtient le Prix du Public, nous ne serions absolument pas surpris.

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