Le film de la semaine: Waves ****

ARTNEWSPRESS: CRITIQUE / «Waves», croient certains, pourrait répéter l’exploit de l’Oscar du meilleur film du Moonlight de Barry Jenkins en 2017. Qu’il gagne ou pas importe peu. Ce qui compte vraiment, c’est que Trey Edward Shults livre une intense expérience cinématographique et un maelstrom qui aspire une famille dans un tourbillon d’émotions où se côtoient chagrin, douleur, pardon, guérison, à la suite d’une tragédie.

En partie autobiographique, Waves raconte la destinée des Williams, un foyer uni dirigé d’une main ferme par Ronald (Sterling K. Brown), un père bien intentionné, mais autoritaire. La discipline de fer qu’il impose à son aîné Tyler (Kelvin Harrison Jr.) place la barre très haute.

Le populaire lutteur finissant au secondaire dissimule une grave blessure par peur de décevoir le paternel (et de perdre sa bourse d’études). Cette incapacité à communiquer, ainsi qu’un conflit avec sa copine à propos d’une grossesse indésirée, l’attirer peu à peu vers le fond, au grand désarroi de sa sœur Emily (Taylor Russell) et de sa belle-mère Catherine (Renée Elise Goldsberry).

La suite des évènements va se révéler un drame de proportion épique, dont Shults va filmer les dynamiques complexes avec grâce et humanité, livrant un long métrage bouleversant (à la limite du mélodrame).

Les impressionnantes interprétations de Kelvin Harrison, Jr. et de Taylor Russell ; la superbe cinématographie de Drew Daniels ; la subjuguante bande originale de Trent Reznor et Atticus Ross (ainsi que le soin maniaque apporté par Shults à l’insertion de morceaux — mention spéciale à I Am a God de Kanye West — dans la trame sonore) ; tous les éléments concourent à la force d’impact de Waves.

La virtuosité de la réalisation de Shults se révèle, ici, en parfaite adéquation avec le propos. Il abuse parfois de ses effets — la caméra tournoyante dans le prologue donne presque la nausée —, mais le spectateur se laissera plutôt séduire par la fluidité des mouvements et le sens aigu du cadrage. Il filme de magnifique façon, jusque dans les scènes plus banales.

Dans sa première moitié, la réalisation épouse le point de vue de Tyler alors que dans la seconde, il favorise plutôt celui d’Emily, après un puissant climax dramatique. Une proposition audacieuse qui désarçonne. Mais un risque payant que cette idée de diptyque, puisque le récit finit donc par mettre sur un pied d’égalité le destin du frère et de la sœur.

Certains critiques ont aussi déploré que Shults, un blanc, ait tourné un film à propos d’une famille de Noirs. C’est un peu court. Dans Lorsque la nuit tombe (It Comes at Night, 2017), le réalisateur mettait déjà en scène un couple interracial. Et pour Waves, il n’a jamais caché que Sterling K. Brown avait activement collaboré à l’élaboration du scénario pour augmenter sa véracité.

Le cinéaste a le droit à sa liberté artistique. D’autant qu’il s’agit d’un récit universel, aisément transposable dans n’importe quelle famille, quels que soient son origine et son statut social.

Waves nous entraine au plus profond des émotions, parfois contradictoires, qui agissent comme de véritables forces, parfois irrésistibles. Et c’est bien là la tragédie de ce film : le destin de Tyler, inéluctable, peut survenir sans crier gare, avec des conséquences, dans certains cas, irréparables.

Heureusement, le long métrage de Shults se conclut sur une lumineuse finale, remplie d’espoir. Waves va assurément se retrouver sur mon top 10 de 2019.

Au générique

Cote : ****

Titre : Waves

Genre : Drame

Réalisateur : Trey Edward Shults

Acteurs : Kelvin Harrison Jr., Taylor Russell, Sterling K. Brown

Classement : 13 ans +

Durée : 2h15

On aime : le bouleversant récit humain. La virtuosité de la réalisation. L’audace du changement de point de vue. La superbe cinématographie. L’excellence des acteurs. Etc.

On n’aime pas : une tendance à parfois en faire un peu trop.

https://lesoleil.com

ÉRIC MOREAULT

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